Portrait alumni : Paul Thanasack, Head of UX - AI & new technologies

Aujourd'hui, nous avons le plaisir d’échanger avec Paul, Head of UX chez Adeo et alumni de l'ISTC. À travers son témoignage, il nous éclaire sur les enjeux de l'UX au sein des grandes entreprises, sa démarche centrée sur l'utilisateur, et partage ses précieux conseils pour réussir dans le domaine du digital.
Bonjour Paul, vous êtes Head of UX au sein de l’entreprise ADEO, Pouvez-vous nous en dire plus sur le Groupe et sur vos missions au quotidien ?
Adeo est un groupe appartenant à la famille Mulliez, qui développe les outils technologiques et digitaux pour les enseignes de bricolage. L'idée est d'uniformiser et de centraliser les outils digitaux : un seul site e-commerce, une seule application mobile, un seul portail fournisseurs, un seul outil RH pour toutes les enseignes. Avant, chaque pays ou enseigne avait ses propres outils, ce qui créait beaucoup de redondance et peu de transversalité. Aujourd'hui, nous sommes une entreprise technologique dédiée à la création de ces solutions communes.
Mon rôle est de garantir que tous les produits et services développés chez Adeo – pour nos enseignes comme Leroy Merlin, Bricoman – soient centrés sur l'utilisateur. On a souvent tendance à créer des solutions en oubliant les véritables besoins des clients. Mon travail consiste à mettre en place des méthodologies permettant aux équipes de toujours se poser les bonnes questions : à quoi cela sert-il et pourquoi est-ce utile aux utilisateurs ?
L'UX est un domaine qui existe depuis longtemps. Est-ce qu'il y a encore des enjeux majeurs aujourd’hui ?
J’ai commencé dans l’UX en 2014, mais déjà avant, en tant que chef de projet, je faisais un peu d’ergonomie. Ce domaine s'est construit au fil des années. Je pensais qu’en dix ans, certaines problématiques seraient résolues, mais on constate que beaucoup d’entreprises ont un héritage technologique obsolète. L’UX reste donc un sujet central.
Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, la France a de nombreuses entreprises historiques qui n’avaient pas intégré ces notions d’UX dans leur ADN digital. Elles étaient focalisées sur leur stratégie et leur relation client directe. À l’inverse, des startups récentes construisent tout de suite leurs outils avec une approche centrée utilisateur. Les États-Unis, par exemple, ont un écosystème de jeunes entreprises nées dans ce contexte, comme Airbnb. Certaines entreprises plus anciennes, comme Netflix, ont réussi leur transformation digitale. En France, le défi est plus grand car nous avons de nombreuses entreprises bien établies qui doivent moderniser leurs systèmes.
Dans cette démarche, quelles typologies d’entreprises avez-vous accompagné ?
En France, j’ai travaillé avec AXA, Leroy Merlin et Adeo, des groupes avec un héritage technologique conséquent. Mais j’ai aussi accompagné des startups au Canada, notamment sur le lancement d’opérateurs mobiles. Les défis sont très différents : une startup construit rapidement sur une base neuve, alors qu’une grande entreprise doit gérer la migration de ses outils existants.
À quoi ressemble une journée type pour vous ? Comment accompagnez-vous une entreprise ?
Mon rôle est d’abord de créer et de manager des équipes. Tout commence par un audit de la maturité UX et agile de l'organisation. Ensuite, je m’intègre à certaines équipes pour mieux comprendre leur fonctionnement et tester leurs processus. En fonction des résultats, j’introduis des experts UX pour les aider à adopter les bonnes pratiques.
Je travaille sur trois niveaux :
Avec les équipes produit, pour analyser les besoins utilisateurs, animer des ateliers et concevoir des maquettes.
Avec les responsables de processus, pour optimiser les méthodes de travail.
Avec les dirigeants, pour les sensibiliser à l'importance de l’UX et les transformer en ambassadeurs de ces démarches.
Cela implique aussi beaucoup d’évangélisation et de formation, comme ce que je fais à l’ISTC. Le métier est encore jeune et il faut diffuser ces bonnes pratiques. Nous devons convaincre des décideurs qui n’ont pas forcément cette culture UX. C'est là que notre formation en communication à l'ISTC est précieuse : nous savons expliquer, embarquer les gens et montrer la valeur ajoutée d’une bonne expérience utilisateur. Je mets en avant le travail des équipes et je valorise leurs succès pour qu’ils deviennent eux-mêmes porteurs du changement.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Premièrement, c'est un métier très varié et concret. Je vois directement l'impact que mon travail a sur les utilisateurs. Permettre à ces personnes de gagner du temps, de simplifier leur travail, et de les rendre plus efficaces est une grande satisfaction.
Deuxièmement, j’aime la dimension humaine du métier. Je ne suis pas juste derrière mon ordinateur, je vais rencontrer les gens, je discute avec eux, je co-construis. Ce côté créatif dans le travail est très important pour moi.
Enfin, c’est un métier vraiment polyvalent. J’ai commencé en travaillant sur des outils digitaux pour les fournisseurs et les responsables d’achats, et depuis un an, je suis plutôt dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ce qui est fascinant, c’est qu’on est experts dans notre domaine, mais les problématiques qu’on adresse peuvent être très diverses.
Est-ce qu’il y a des freins que vous identifiez, peut-être liés à l’environnement ou au marché, qui peuvent freiner votre travail au quotidien ?
Oui, je pense que l’un des défis majeurs, c’est que ces métiers évoluent très vite.Travailler avec des personnes ayant 30-40 ans d'expérience métier, mais qui peinent parfois à suivre les nouvelles compétences digitales, ralentit l’adaptation. Dans des environnements comme les startups, tout le monde est déjà aligné, ce qui permet de progresser plus rapidement.
Nous devons donc nous adapter à ces contextes. En tant que designers, nous devons poser les bonnes questions et comprendre la maturité digitale des entreprises. Dans des environnements peu matures, il est crucial d’accompagner ce changement de manière progressive, même si ça demande de l'énergie.
Vous avez aussi mentionné l'impact de votre formation à l'ISTC dans votre parcours. En quoi vous aide-t-elle dans votre rôle actuel ?
L’une des grandes forces de l’ISTC est la capacité à travailler avec des personnes de parcours très différents. Ce qui est génial dans ce domaine, c’est que l’on apprend à réunir tous ces profils autour d’une même table, on leur permet de s’exprimer, de co-construire ensemble, et de fédérer tout le monde autour d’une vision commune. C’est ça, pour moi, le design : la capacité à rassembler des individus différents pour créer ensemble.
Si vous aviez 3 conseils à donner aux étudiants de l’ISTC pour leur réussite professionnelle future, quels seraient-ils ?
Mon premier conseil serait de cibler leurs recherches. Beaucoup de jeunes diplômés veulent tout faire et postulent à tout, mais il est essentiel de se concentrer sur un métier précis. Les recruteurs recherchent des compétences spécifiques, et adapter son CV à un poste particulier a été un élément clé pour moi au début de ma carrière.
Le deuxième conseil serait de planifier son parcours professionnel. Même si cela peut paraître difficile au début, se fixer des objectifs à court, moyen et long terme aide à mieux orienter ses choix et à identifier les compétences à acquérir.
Enfin, le troisième conseil serait de comprendre que le succès prend du temps. Il faut fournir des efforts constants, croire en soi et rester patient tout en continuant à progresser.
Pour finir, la notion de “réseau” a-t-elle été importante dans votre carrière ?
Oui, le réseau a été crucial. Dès le début, mon maître de stage, Vincent Dufour, m’a beaucoup mentoré, ce qui m’a aidé à rester sur la bonne voie. Dans l’industrie du digital, surtout dans le nord de Paris, c’est un petit monde. Si vous faites bien votre travail et restez professionnel, votre réputation se construit d’elle-même. À l’inverse, une mauvaise attitude peut rapidement se retourner contre vous. Il est aussi important d’être présent sur LinkedIn, tout en restant humble et aligné sur ce qu’on est en capacité d’offrir. Pour moi, c’est avant tout un moyen de partager des retours d’expérience et d’aider les autres.